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PrÉSentation

  • : première étoile
  • : Découvrez ce blog d'un coureur à pied qui a commencé par des marathons puis qui est passé aux courses d'ultra longues distances : 100km, 24 heures, Transe Gaule, TransEurope... Plan d'entraînement, récits de courses, partage d'expérience, c'est l'histoire d'une passion.
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Transe Gaule

3 novembre 2016 4 03 /11 /novembre /2016 22:00

Pour ma première expérience sur une course de 6 jours, j'avais opté pour plusieurs scénarios avec une préférence pour celui que j'ai suivi lors de cette édition.
J'avais découpé ma course en 7 étapes, une par jour, le jour se terminant à minuit : sachant que le départ aurait lieu un dimanche et l'arrivée un samedi, cette aventure devait courir sur 7 jours.
Le premier jour ne comptant que 8h en raison du départ tardif de la course à 16h, j'avais prévu de stopper malgré tout à minuit. Les cinq jours suivants devaient démarrer sur la piste aux alentours de 8h pour se terminer eux aussi à minuit. Enfin, la dernière journée ne devait durer que 8h.
Donc deux étapes de 8h et cinq de 16h constituaient mon planning pour ces 6 jours de France.

Les circonstances m'ont conforté dans ce schéma théorique. D'abord au niveau de la météo qui ne fut pas bonne lors de la première moitié de l'épreuve et qui ne m'a pas fait hésiter à aller me doucher puis me coucher afin de passer une bonne nuit au sec. Ensuite au vu du parcours qui s'est très souvent retrouvé dans un état déplorable avec de nombreuses flaques d'eau si ce n'étaient pas des mini torrents à traverser à chaque tour le temps que les bouches d'égouts avalent ce surplus d'eau, sans compter les nombreuses parties caillouteuses ou avec plein de gravillons. Le passage derrière la tribune avec une petit montée sur 10 à 15m devait aussi à la longue devenir pénible car en dévers et recouverte de graviers. La boucle de départ fut raccourcie et ne faisait que 600m environ au lieu des 1025m prévus. Les passages aux stands étaient plus fréquents, mais je ne pouvais pas passer devant ma tente installée derrière l'en-but du terrain de rugby. Il a fallu alors que je place sur le stand de ravitaillement personnel quelques affaires de rechange afin de m'éviter des allers et retours contraignants vers mon bivouac. Enfin, au niveau des installations générales qui étaient disséminées le long du circuit : sur la petite boucle, le pointage était juste avant le stand de ravitaillement collectif puis venait le stand de ravitaillement personnel, ensuite il fallait faire 300m pour atteindre les toilettes et faire le tour de la tribune avec sa petite montée pour aller prendre sa douche, donc on devait anticiper en allant chercher le matériel nécessaire dans son abri puis 250m plus loin se trouvait la halle de tennis où j'avais installé mon lit de camp de secours au cas où mais très éloignée des sanitaires, et il restait 50m pour revenir au pointage. Pour la grande boucle, celle des trois derniers jours, il fallait effectuer un tour de piste (en terre battue avec néanmoins quelques cailloux) qu'on empruntait après le passage derrière la tribune avec sa petite montée bien usante pour prendre un virage serré à 180° (400m) passer devant la tribune et finir le tour de piste (800m) reprendre un second virage à 180° et retrouver le chemin extérieur à la piste jusqu'au pointage ( environ 1025m).
Donc, avec toutes ces contraintes, j'ai géré sans hésiter en suivant minutieusement mon schéma N°1.

L'inconnue était de savoir quelle distance j'allais bien pouvoir effectuer lors de chacune de mes 7 étapes. 64km le premier jour, 100 à 110km lors de chaque journée de 16h et 64km le dernier jour.
J'avais donc objectivé au moins 600km et j'avais rêvé 720km sans doute une nuit où je m'y voyais déjà.

La réalité fut proche du schéma théorique, même si en temps réel, nous n'avions pas avec exactitude la longueur de chacun des tours : la petite boucle était « vendue » pour 602m et la grande que nous avons prise après 78h d'épreuve devait faire 1025m. Mon tableau de marche (ou plutôt de course) a été le suivant :
Jour N°1 : 16h-Minuit : 107 tours de 602m, soit 64,4km
Jour N°2 : 8h-Minuit : 174 tours de 602m, soit 104,7km (cumul 169,1km). Passage aux 24h : 126km.
Jour N°3 : 8h-Minuit : 154 tours de 602m, soit 92,7km (cumul 261,8km). Passage aux 48h : 218km.
Jour N°4 : 8h-Minuit : 141 tours de 602m (84,882km) + 13 tours de 1025m (13,325km)= 98,2km (cumul 360,0km). Passage aux 72h : 317km.
Jour N°5 : 8h-Minuit : 98 tours de 1025m, soit 100,450km (cumul 460,4km). Passage aux 96h : 417km.
Jour N°6 : 8h-Minuit : 98 tours de 1025m, soit 100,450km(cumul 560,8km). Passage aux 120h : 518km.
Jour N°7 : 8h-16h : 60km environ. Total final approximatif avant recalcul des distances : 621km.

Le remesurage a donné 611m pour la petite boucle et 1027m pour la grande. Ainsi il m'a « rendu » en moyenne 1000m à 1500m par jour sur les jours N° 1 à 6 et 2000m sur le dernier jour, ce qui réajuste approximativement les données de mon tableau de course :
J1 : 65.3
J2 : + 106.3 = 171.6
J3 : + 94.1 = 265.7
J4 : + 99.5 = 365.2
J5 : + 100.6 = 465.8
J6 : + 100.6= 566,4
J7 : + 62.6 = 628,980 

Le problème de ce genre de course où chaque minute compte, chaque mètre coûte, c'est qu'on n'a pas le temps de faire des CR quotidiens ce à quoi j'étais habitué lors des courses à étapes. Ainsi, quelques événements du début de course sont oubliés, certains autres peuvent ne pas respecter la chronologie et d'autres encore être minimisés ou au contraire amplifiés. Quelques uns me reviendront certainement une fois ce CR terminé.
NB: la lecture des CR d'autres camarades de jeux lors de cette grande ronde privadoise va certainement m'aider à resynchroniser certains événements  . Merci à eux.

(à suivre)

La course.
Dimanche : jour N°1
Le départ et la première journée ressemblaient à un 24h sauf que je savais que j'allais m'arrêter dormir à minuit. Donc la gestion de cette première étape devait en être simplifiée. Il n'en fut rien car j'ai fait le kilométrage escompté, certes, mais sans aucune facilité. La découverte du circuit, le fait de réfléchir à conserver l'option du début ou de la changer pour courir aussi la nuit, l'annonce de l'arrivée de pluie pour les heures et jours qui viennent, le repérage des ravitaillements et de ce qu'on va y trouver et le système de pointage qui ne fonctionnait pas toujours au niveau de l'affichage des distances effectuées... J'avais mon GPS pour quelques heures pour me donner une idée de ce que j'avais couru, et sachant que je n'aurais pas la possibilité de le recharger, j'avais mon compte-tours spécial : mon mouchoir que j'utilise pour entourer mes doigts au fil des tours. Tous les 5 tours (= 1 main) je me ravitaillais. Cela en a interpellé certains qui pensaient que j'étais blessé à la main. 
Plein de doutes envahirent donc mes pensées. Dans quelle galère m'étais-je engagé ? La fatigue de la fin de journée m'encouragea à rester sur mes 64km et à aller me coucher après avoir pris une bonne douche, lavé ma tenue et préparé mes affaires pour le lendemain matin. On verrait ce qu'on verrait.

La première nuit de repos fut difficile, un peu comme lors des courses à étapes, et les bips de chaque coureur passant sur les tapis de pointage ainsi que le bruit de la boîte de nuit proche du circuit m'empêchèrent de bien dormir. A cela vinrent s'ajouter quelques douleurs aux genoux et aux pieds dues au revêtement très caillouteux du circuit et au relâchement de l'organisme. Heureusement, pas de bobos.

Lundi : jour N°2
La seconde journée commença relativement bien, je n'avais pas de séquelles physiques de la veille quand je commençais à courir. Je m'étais levé vers 6h30 afin de me préparer : pansements protecteurs, crème anti frottements, enfilage de la tenue, réglage des chaussures et des guêtres indispensables pour ne pas s'arrêter toutes les cinq minutes retirer les gravillons indésirables. J'avançais bien malgré un petit-déjeuner sommaire, le pain badigeonné de beurre au pinceau puis de confiture, au pinceau elle aussi, accompagné d'un café au lait m'ayant à peine réveillé et pas mis vraiment en appétit, heureusement que lors de ma mise en tenue j'avais grignoté quelques gâteaux dans ma tente. De la 20ème place au moment de me coucher (après avoir occupé la 9ème place en début de nuit) je suis passé à la 95ème en raison de ma nuit complète à dormir. Mais dans cette seconde journée, je voyais qu'au fil des heures je reprenais des coureurs.
Je passais les premières 24h avec 126km donc cette première moitié de journée était bien partie. C'était sans compter sur l'arrivée de la pluie un peu plus dense que les quelques gouttes rencontrées ici et là. Quand le temps de prendre mon plat chaud quotidien arriva, je n'avais pas très faim, ce n'était pas appétissant et j'eus beaucoup de difficultés à le manger. Je perdis donc mon temps et quand je suis reparti, je suis allé remanger au stand de ravitaillement collectif où il y avait des barquettes de pâtes, de riz ou de purée qu'on pouvait accompagner de jambon blanc, de saucisses de Strasbourg ou de saucisson sec. Hélas, aucun laitage style riz au lait, semoule ou yaourt. Des morceaux de fruits et de gâteaux secs firent l'affaire à la place. Cette seconde soirée fut plus difficile au fil des kilomètres car j'étais trempé, surtout de sueur. Quand je me décidais de stopper pour la nuit, j'avais quand même fait 169km (au tableau officiel), soit 105km pour les dernières 24h.
Je passais à ma tente chercher mes affaires de rechange et de toilette, effectuais le reste du tour de piste pour rallier les douches. Celles-ci étaient excellentes, chaudes, et j'y restais plus d'un quart d'heure en profitant aussi pour laver la tenue du jour. Je me soignais les brûlures aux zones sensibles aux frottements et repartais vers ma tente. J'étendais mon linge à l'extérieur en me disant que ça allait peut-être sécher si le vent qui s'était levé soufflait toute la nuit. Je me couchais vers 1h du matin. 
La nuit fut tout aussi difficile que la précédente en raison des douleurs dues à la position allongée. Paradoxalement, je ne souffrais d'aucun bobo dans la journée mis à part quelques douleurs aux pieds quand je foulais des pierres. Une belle bronchite tenace apparue depuis une semaine déjà me faisait encore tousser et provoquait des maux de ventre au niveau des abdominaux alors par la suite je fis attention à bien les contracter au moment de tousser. 

Mardi : jour N°3
Le matin au réveil, après une nuit mouvementée en raison d'un vent fort qui secouait ma tente, je me sentais bien. La préparation ritualisée me prit un peu moins de temps que la veille et je pouvais arriver au petit déjeuner avant 7h30 et donc commencer à courir un peu avant 8h. 
Au fil des heures, la pluie annoncée arriva et fut très violente, contraignant beaucoup de coureurs à s'abriter. J'ai attendu pas moins de 45' sous le stand de ravitaillement personnel, réajustant ma tenue, préparant d'autres changements de tenue possibles si ça ne se calmait pas. L'eau ruisselait partout, sur le circuit, sous les barnums, des gouttières cédaient, nous étions proches de l'apocalypse. Je me décidais de reprendre néanmoins la course afin de jauger l'état de la piste. Des gigantesques flaques d'eau, de beaux torrents de boue et de longs pédiluves improbables constituaient la majorité du parcours de 600m. Les chaussures étaient gorgées d'eau et de boue, mon ciré tenait le choc et je jouais à saute flaque à chaque foulée. La pluie cessa en intensité, le ruissellement continuait, les bénévoles s'escrimaient à rendre le circuit le moins mauvais possible à coups de raclettes, de pelles, de râteaux et en disposant à plusieurs endroits des tapis de plastique pour nous permettre de passer certaines partie inondées sans risquer de se blesser.
Avec tous les arrêts et le ralentissement de mon allure de croisière, je ne courus qu'à peine 93km.
Je décidais d'aller me coucher sans essayer d'atteindre les 100km ce qui m'aurait pris une heure de plus tandis que la pluie commençait à revenir.
Encore une nuit difficile pour les mêmes raisons que les deux précédentes. L'endormissement tardif, blotti sous ma couette où je n'avais pas froid mais mal aux jambes, ne me fit pas pour autant dormir plus tard. Je me réveillais vers 6h et à 7h30 j'étais sur le circuit.
C'est bizarre de se lever et de retrouver des athlètes qui ont tourné pendant que je dormais. Moi, j'étais frais, la foulée la moins rasante possible ; eux, en tout cas un grand nombre d'entre-eux, étaient voûtés, penchés vers la gauche, d'autres vers la droite, des runnings traînaient sur le sol, on en entendait quelques uns fredonner ce qu'ils écoutaient dans leur MP3 : c'était la course des zombies ! Les trajectoires étaient incertaines et fréquemment le petit passage qu'on avait visé pour passer sans être contraint de faire un large détour se refermait. C'est sûr que de marcher à quatre de front c'est pénible pour les coureurs qui déboulent de l'arrière, alors imaginez si en plus il y en a qui font des feintes du style « je dérive vers la gauche et au dernier moment je repars vers la droite » ; souvent ça a frotté et ça a cassé le rythme de ma course. On n'a pas ce genre de soucis sur 24h ou très peu.

(à suivre)

Mercredi : jour N°4. 
Avant 8h je réussis donc à effectuer quelques tours parmi les morts-courants pour rééquilibrer la balance kilométrique, en déficit à cause de la journée pourrie de la veille. Là, j'avançais bien, ragaillardi par le fait d'avoir un temps non pluvieux. Les flaques ne diminuaient que très lentement, la piste que nous n'avions pas encore prise était toujours inondée par endroits. La température était douce comme depuis le début de ces 6 jours alors je ne m'étais pas trop couvert. Nous faisions toujours la petite boucle et du coup, je n'étais pas pressé de passer sur la grande. 600m ça fait passer aux stands toutes les 4 à 6'. 1000m ça dure de 7 à 10'. J'étais dans ma course, dans mon monde, mais je n'oubliais pas les autres coureurs et coureuses ainsi que les marcheurs et marcheuses. A chaque dépassement, un petit encouragement ou un petit signe de la main ou une petite tape amicale sur l'épaule. On se reconnaissait les uns et les autres à force de s'être dépassés ou d'avoir effectué un bout de route ensemble. J'ai retrouvé avec plaisir mes acolytes japonnais Makoto et Satoru côtoyés sur la TransEurope 2012, mes compères Transe Gaulois Sylvain, Jean-Louis, Crocsman et Lapinou, Laurent, Ronan et Cathy (mes voisins de Bouguenais), Yvonnick, Isabelle, Jean-Michel, Mimi et Bernard, et bien d'autres encore auxquels on peut ajouter les participants aux 72 heures (Christian, Charles...). J'ai fait connaissance avec beaucoup d'autres personnes toutes aussi méritantes les unes que les autres, chacune d'entre-elle devant s'armer de courage afin d'aller au bout de ces 144h.
Les tours défilaient donc, je me fixais des objectifs de pauses pas avant tel ou tel kilométrage ou pas avant telle ou telle heure. Pour mon plateau repas chaud, j'avais décidé de ne le prendre qu'après 18h de telle façon que je puisse me changer juste avant et enfiler ma tenue de soirée, sèche et un peu plus chaude. Il valait mieux être couvert sous le barnum des repas car il y avait du vent et sur un corps mouillé ça ne pardonne pas et ça ne guérit pas la bronchite que je traînais depuis trop longtemps.
Après 78 heures de chevauchée sur la mini boucle de 600m et quelques, nous sommes passés sur le grand tour et j'allais enfin pouvoir passer tout près de ma tente et aller y prendre des trucs sans avoir à faire de grands détours qui ne comptent pas. Peu avant, j'avais franchi les 317km pour les 72 premières heures (distance corrigée après coup à 322km mais à ce moment je ne le savais pas). En faire encore autant ça serait sympa pensais-je à cet instant. Mais pour cela il faudrait que la météo nous soit favorable.
Elle le devint. Et quand je me couchais le mercredi soir avec 360km de faits, j'étais content. Encore deux jours à 100km et le dernier à au moins 40 et les 600km seraient dans la poche. 

Jeudi : jour N°5.
J'ai passé une bonne nuit après avoir souffert quelques minutes avant de trouver une position de sommeil « antalgique » et je me suis réveillé vers 5h. J'ai hésité un quart d'heure avant de me lever et je me suis dit que si je n'arrivais plus à dormir, il fallait que j'y aille quitte à raccourcir la journée ce soir si le quota des 100 bornes était atteint avant minuit. Donc, à 6h30 j'étais sur la piste et rétablissais peu à peu le tableau de course quitte à prendre de l'avance pour plus tard, on ne sait jamais.
Le ciel était dégagé et après un joli lever de Lune sous forme de petit croissant ponctué d'une étoile au-dessus d'une montagne, nous avons assisté au lever du Soleil, sur le même horizon bien entendu. En quelques minutes la température s'éleva et je profitais de mon passage « près de chez moi » pour sortir du linge et le mettre à sécher puis à me changer et enfiler une tenue plus légère. Jusqu'à 13h j'ai tourné à un rythme régulier et comme je venais de franchir la barre des 400km je me décidais à stopper une quinzaine de minutes pour manger au ravitaillement commun. Prochain objectif : passer les 96 heures avec au moins 417km (soit + 100km en 24h) ce qui fut fait. Le vent s'était remis à souffler et rendait certaines portions moins faciles. L'ombre avançait et grignotait peu à peu le parcours. La fraîcheur commençait à se faire sentir, il allait bientôt être temps d'aller se changer et dîner. Après le repas chaud de 19h, je procédais au même rituel que depuis le début des 6 jours et téléphonais à ma femme qui souvent allait prendre des nouvelles sur le site de la course. Deux coups de fil quotidiens (un le matin après le petit-déjeuner, l'autre après le dîner) qui faisaient du bien en plus des messages par SMS ou par courrier papier que l'on recevait dans notre boîte aux lettres personnelle.
La nuit était tombée, comme tous les soirs une animation était proposée au public et nous avons eu droit au massacre des tubes de Johnny Hallyday par un courageux coureur-chanteur lors d'un karaoké mais quelques autres interprètes nous ont réconciliés avec la musique. Dans la journée aussi il y avait des animations, mais quand on est dans la compétition, il n'est pas facile de sortir de la course mentalement pour y assister, en tout cas moi je ne sais pas faire, ou je ne veux pas faire. C'est difficile de rentrer dans sa bulle et il est tout aussi compliqué d'en sortir.
J'avais bien engrangé les bornes et quand j'ai eu atteint les 100km pour ma journée, il n'était pas encore minuit mais je décidais quand même de ne pas pousser trop loin la plaisanterie et allais me doucher puis me coucher. Il commençait à faire frais limite froid ; le ciel était dégagé. Peut-être allait-il faire encore plus froid au petit matin. Je réfléchissais encore à ça sous ma couette bien au chaud quand Morphée m'emporta dans ses bras.

Vendredi : jour N°6 .
Allez Fab, encore un dodo et ce sera la fin ! Debout à 6h30, en piste à 7h45 après mon petit-déjeuner je commençais ma journée par essayer de me réchauffer. La nuit avait été froide aux dires des coureurs noctambules que je voyais errer comme des âmes en peine sur la piste encore à peine peuplée. Mon objectif du jour était le même que celui de la veille à savoir courir au moins 100km afin de me coucher avec 560km au compteur.
Toujours pas de blessures ni de gros bobos, j'étais chanceux mais j'avais fait en sorte de l'être : 8 paires de chaussures, 12 tenues de rechange, 16 paires de chaussettes (que je mets par deux), plusieurs tubes de crème protectrice (pied et zones exposées aux frottements), deux paquets de pansements pour me protéger des brûlures... Le seul truc qui ne collait pas était cette fichue bronchite qui me faisait perdre l'odorat et me moucher 10 fois par tour.
Copier-coller de la journée de jeudi au final : avec un peu plus de 100km et les 560km atteints, la météo avait été sensiblement la même et j'avais donc passé une bonne journée.
Quand je me couchais, vers minuit trente, j'étais bien. Seulement j'avais oublié qu'on était vendredi et que la boîte de nuit proche du circuit allait encore se faire entendre. Bon, ça masquerait les bips des passages sur les tapis de pointage et atténuerait le bruit des frottements des chaussures des zombies de la nuit.

Samedi : jour N°7
Je fut réveillé vers 5h par des cris et je me rendis compte qu'ils s'agissait de fêtards éméchés qui se battaient sur le parking du dancing. Plus du tout envie de dormir, une demie heure plus tard je me levai, pris mes affaires et allai aux douches pour me préparer car il faisait trop froid pour le faire dans ma tente. Peu après 6h30 j'étais prêt à courir non sans avoir avalé deux tasses de chocolat chaud et quelques morceaux de barres de céréales. A 7h passées, je m'arrêtais au stand du petit-déjeuner où je pris mon vrai premier repas de la journée. Il fallait qu'il soit consistant car je voulais me libérer le plus rapidement possible des échéances que je m'étais fixées : passer les 600km avant 13h puis atteindre les 615 voire plus si j'avais de l'avance.
Quand je suis passé devant le tableau d'affichage, comme tous les matins, je jetai un coup d’œil au classement et je m'aperçus que j'étais 20ème et que les coureurs de devant n'étaient pas si loin que ça. Je pouvais tenter de grappiller deux ou trois places s'ils ne se défendaient pas plus que ça. Moi, j'avais dormi, par forcément eux.
J'avais des jambes comme sur les étapes de la Transe Gaule, donc je pouvais aller un peu plus vite et aligner des séries de trois ou quatre tours sans fléchir. A ce rythme, le compteur kilométrique montait bien et je pouvais contrôler lors de mes tours moins rapides car ponctués de marche.
Je passais la barre symbolique des 600km peu avant 13h sans savoir que j'en avais déjà fait 5 de plus, le remesurage n'ayant pas encore été fait. La fin était interminable mais je poursuivais mon effort afin de stopper toute velléité de retour de concurrents de l'arrière.
La piste était « bondée » beaucoup de concurrents ne couraient plus, l'euphorie montait au fur et à mesure que l'heure de la fin de course se rapprochait.
Je m'arrangeais pour faire mon dernier tour en prenant au passage mon sac de rechange afin d'aller directement après la fin de l'épreuve prendre ma douche, non sans avoir déposé au préalable ma puce et le morceau de bois témoignant du point final des 144h à l'endroit où je me trouverais au moment du coup de pistolet final.
Je voulais éviter les embrassades, ce n'est pas mon truc, et je souhaitais me changer le plus vite possible car je devais démonter ma tente et ranger tout mon matériel dans ma voiture avant la nuit, sachant que la cérémonie des récompenses était prévue pour 18h.
Quand j'ai déposé mon bout de bois et la puce, dans mon esprit j'avais fait environ 622km et quelle ne fut pas ma surprise d'apprendre que j'avais en réalité couru 628,980km suite au mesurage effectué en milieu d'après-midi à deux heures de la fin de course par un mesureur officiel de la FFA.
17ème place comme coureur des 6 jours, 19ème au scratch en comptant les marcheurs, 14ème en ne considérant que les coureurs hommes. J'étais dans le top 20 et ça me satisfaisait. Ma gestion de course m'a convenu. Je ne suis pas certain que j'aurais pu faire plus de kilomètres en gérant mes temps de course et de repos autrement en raison de la configuration du parcours et de la disposition des points de ravitaillements, des sanitaires, des lieux de couchage … 
Ce sont des paramètres à ne pas négliger, fortement chronophages et énergivores. Or la gestion du temps et la gestion de l'énergie sont les axes les plus importants pour réussir la meilleure performance sportive possible.
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